L’altérité, l’essence de la médiation professionnelle.

« Ecouter, premier pas vers l’altérité, fondement de l’acte de médiation » écrivais-je pour terminer mon précédent article sur l’importance de l’observation et de l’écoute. Mais qu’est-ce que l’altérité ? Comment la caractériser et quelle en est l’importance ?

L’altérité peut se définir, de manière générale, comme étant le strict contraire de l’adversité : l’adversité fait ainsi référence à la notion d’un combat mené contre une force institutionnelle ou contre une personne, au travers d’un contentieux, d’un litige ou d’un conflit. Or, notre pays est forgé par l’adversité, ainsi que l’a résumé en quelques mots Chantal ARENS, ancienne Première Présidente de la Cours de Cassation de Paris : « la France est une société dans laquelle prévaut la culture de conflit sur la culture du compromis ».

L’altérité se définit en soi comme la reconnaissance de l’autre dans sa différence, de quelque nature qu’elle soit. Elle consiste à considérer l’autre, non pas comme un autre soi-même, mais en l’acceptant tel qu’il est, en intégrant qu’il parle, agisse et pense avec sincérité, selon ses propres valeurs et autres référentiels de vie qui ne sont pas forcément identiques ou compatibles avec les nôtres, mais qui pour autant peuvent s’avérer tout aussi justes. Il s’agit dès lors de dépasser ses propres représentations ou schémas établis et ainsi renforcer l’échange, pour apprendre de l’autre et capter ce qui peut se révéler éclairant et inspirant pour soi-même : aussi, ne pas juger l’autre avec qui je peux faire le constat d’être en désaccord, ou ne pas comprendre son attitude, mais pour autant être disposé à recevoir et intégrer sa parole, qui a tout autant de signification que la mienne et s’avère tout aussi digne d’être prise en considération. Au final, la posture d’altérité permet de parvenir à se comprendre, à faire s’évaporer les malentendus, les sources d’un conflit ; s’entendre sur l’essentiel, se retrouver, considérer l’autre comme une force pour soi et non comme un obstacle dressé face à soi-même.

Telle est la posture que le médiateur doit adopter lors du déroulé sa mission : laisser de côté ses connaissances et ses références, pour ainsi être en capacité de pleinement recevoir ce que disent les parties entrées en médiation, les agréer pour ce qu’elles sont, leur transmettre cette disposition réflexive et ce renforcement du lien relationnel entre elles. En qualité de médiateur, cette reconnaissance et cette considération de ce que l’autre est différent et pleinement légitime, induit de pouvoir faire en quelque sorte la paix avec soi-même pour ainsi cheminer vers un équilibre permettant de le recevoir tel qu’il est. Le médiateur doit ainsi savoir faire le vide intérieur, ne plus penser à lui-même, être totalement disponible pour les personnes qu’il accompagne sur le chemin de la résolution de leur conflit, pour la réminiscence de leur lien, la renaissance d’un dialogue, et le renforcement d’une qualité relationnelle qui faisait défaut et qui de nouveau peut alors réapparaitre. Le médiateur doit ainsi, au décours de sa démarche, ne voir que les autres, s’oublier pour se mettre à leur disposition, les aider, jusqu’à s’effacer et les laisser.