La médiation « made in Japan ».

La culture de la médiation est profondément ancrée dans les traditions et les valeurs sociales japonaises, reflétant une approche collégiale et harmonieuse de la résolution des conflits. L’harmonie sociale est ainsi l’un des axes majeurs de la culture japonaise, une valeur appelée « wa », qui s’avère centrale dans les relations humaines.

La société japonaise est en effet marquée par la culture bouddhiste et confucianiste. Ainsi, le Bouddhisme prône le détachement de l’égo, ce qui aide à éviter les attitudes rigides et les conflits persistants ; tandis que le Confucianisme incite au respect mutuel et à la loyauté, éléments qui encouragent des solutions concertées.

Les relations sociales sont de fait profondément marquées par la recherche de la paix et de l’équilibre. La confrontation directe est par conséquent très souvent évitée et quand ils existent, les conflits se veulent être résolus par la discussion et la négociation, sans heurt ni tension.

La médiation est dès lors une manière de résoudre les conflits et de préserver cette harmonie, son objectif n’étant pas de pouvoir identifier qui a tort ou qui a raison, mais de restaurer une relation fonctionnelle, sans générer de perdants et sans humiliation pour quiconque.

La médiation est aussi un outil très largement utilisé sous la forme d’une méthode appelée « newawashi », à savoir une concertation préalable permettant de garantir que toutes les personnes concernées par un problème soient consultées avant qu’une décision soit prise ; cette méthode évitant en amont les confrontations en public et en aval préparant le terrain pour un accord.

La médiation est fortement enracinée dans le tissu social japonais, car enseignée dès l’école, puis dans les parcours de formation professionnelle : y sont prônées la prévalence de la communication non violente et la résolution pacifique des conflits.

Dans le cadre judiciaire, la médiation institutionnelle est encouragée avant toute procédure formelle, au sein de tribunaux de conciliation, appelés « chotei », afin que les parties en conflits tentent de parvenir à un accord avant d’aller devant un juge. Les tribunaux ont par ailleurs l’habitude de jouer un rôle de médiation plus que de jugement tranchant un litige : ainsi, dans des affaires civiles et familiales, les juges agissent souvent comme facilitateurs pour trouver un compromis acceptable aux deux parties, par exemple dans le cadre de divorces ou d’héritages.

Dans un contexte privé, des figures respectées de la communauté à laquelle appartiennent les parties en conflits peuvent agir comme médiateurs. Des centres de consultation familiale offrent également des services de médiation pour aider les familles à résoudre leurs problèmes de manière pacifique.

Dans un contexte professionnel, la médiation est couramment utilisée pour résoudre des conflits entre employés, ou entre employés et employeurs, ceci grâce à des mécanismes internes de médiation pour traiter les plaintes et différents.

Quel que soit le domaine, les médiateurs sont au Japon considérés comme habiles, devant comprendre ce qui n’est pas dit. La médiation implique dès lors de savoir capter les non-dits, les émotions retenues et de respecter les subtilités relationnelles.

En synthèse, au-delà d’être un outil juridique, la médiation s’avère au Japon être avant tout une pratique culturelle intégrée dans la vie sociale, familiale et professionnelle, fondée sur le respect, la discrétion et la recherche de l’harmonie.

Pour autant, dans le cadre très strict de cette société hiérarchisée et régie par de nombreux codes, qu’en est-il des conséquences de cette retenue permanente des émotions, de ce leitmotiv de favoriser à tout prix la restauration rapide de relations sociales assainies, ainsi que de cette pression pour éviter à tout prix l’éclatement d’un conflit afin de garantir un niveau élevé d’harmonie ? Est-ce que ce tissu relationnel si particulier, ainsi que ces habitudes sociales, permettent réellement une résolution en profondeur des conflits ? Ne faut-il pas que le conflit fasse à minima surface, s’exprime, que les émotions sortent et s’évacuent pour qu’au final l’action du médiateur soit efficace et la résolution du conflit réelle, pérenne, sans résidu d’amertume ou de ressentiments négatifs ?