Savez-vous que chaque mail envoyé aggrave le bilan carbone de la planète ? Chaque mail, comme chaque moteur thermique, participe effectivement à cette catastrophe invisible mais bien réelle, du fait qu’il soit ensuite stocké dans des serveurs excessivement énergivores, dès lors au fil du temps de plus en plus nombreux.
Par ailleurs, chaque mail supplémentaire participe au quotidien à collectivement nous noyer, tend à nous asphyxier inexorablement, là encore à bas bruit, ceci avant même que le niveau de l’eau ne finisse par dépasser l’inacceptable, risquant de nous faire plonger jusqu’à l’extrémité d’un burn-out. Car à force de craindre, par exemple après un WE ou une semaine de congés, le nombre de mails reçus, qui n’en arrive pas à s’affranchir lui-même du droit à la déconnection pour tenter de limiter la submersion de la reprise : le début d’un engrenage infernal, d’une connexion continue, avec tout l’impact que cela peut avoir par ailleurs sur sa vie familiale en plus de sa propre fragilisation.
Chaque mail inutile est un échange direct en moins. Chaque mail inutile nous éloigne un peu plus les uns des autres, donc du niveau de qualité relationnelle requis pour envisager de bien travailler ensemble.
Le flot incessant de mails inutiles n’est pas une fatalité. Comme pour la lutte contre le réchauffement climatique, il est possible d’inverser la tendance si chacun y participe et si certaines règles sont établies et mises en application. Ainsi, pourquoi ne pas programmer nos différentes plateformes de telle manière que l’on ne puisse envoyer, donc recevoir de mails entre 18h et 8h le lendemain matin – et zéro du vendredi soir au lundi matin, sauf bien évidemment autorisation spéciale afférente à une situation particulière ? Pourquoi ne pas brider le nombre maximal de mails que l’on soit en droit d’envoyer par jour ?
Au-delà de ces mesures systémiques, peut-être illusoires, apprenons dès maintenant à tous diminuer, ceci chaque jour, ne serait-ce qu’un peu le nombre de nos mails envoyés ; ainsi à bon escient, à juste propos et non juste parce qu’il le faut, parce que c’est convenu, parce que c’est la norme, parce que c’est plus facile et plus rapide que de se déplacer dans le bureau d’à côté. Ne confondons pas notre système de mails professionnels avec son propre réseau social où l’immédiateté d’une réaction n’est pas une réponse, ou l’accélération du temps l’emporte sur le reste – et notamment la réflexion partagée autour d’échanges structurés, porteurs de sens et induisant l’avancé positive et constructive des travaux et projets en cours.
Apprenons ainsi à ralentir le flow, à maîtriser le temps, à recentrer nos propos, donc parfois à nous appeler, à nous voir plutôt qu’à nous écrire à outrance, par ailleurs régulièrement de manière abrupte, dévitalisée, sans marque de politesse ni même réel respect, jusqu’à parfois nous invectiver sans même nous en rendre compte. Réapprenons à nous parler directement plutôt qu’à ne communiquer qu’à distance, ce qui souvent peut s’avérer devenir une source d’incompréhensions, d’interprétations, de jugements et par ailleurs une vraie source de conflits et de dégradation des rapports humains et de la qualité relationnelle, indispensable à l’entente interpersonnelle et sociale. Dialoguons, partageons, réfléchissons ensemble dans une dynamique d’intelligence collective, au lieu d’être ainsi cloisonnés, segmentés et réellement isolés.
Remettons enfin et peut-être surtout la confiance au cœur de nos échanges et arrêtons de nous retrancher systématiquement derrière nos écrits et nos écrans. Remettons l’humain au cœur de nos pratiques professionnelles et de notre politique managériale : elle n’en sera à termes que plus satisfaisante, efficace et surtout de qualité.