Ce slogan des années 80 apparaissait déjà à l’époque un peu suranné, présageant le devenir de cette entreprise en déclin constant, jusqu’à aujourd’hui être dénaturée, démembrée de ses missions socles, amenée pour survivre à devoir s’éparpiller en de multiples autres missions palliatives – telle la transformation des facteurs en aides à domicile ! Tel est le destin d’une entreprise publique plongée dans la réalité du monde réel et d’un marché concurrentiel, inapte à y nager et dans lequel elle se débat et finira par s’y noyer et mourir. Notre pays s’acharne cependant à la maintenir artificiellement en vie par tout un arsenal de décisions administratives, sauf que La Poste est depuis longtemps en mort encéphalique, révélant l’inertie qui nous dirige, le déni de réalité et l’obstination à y demeurer.
Ainsi, à l’aube de l’été dernier et des traditionnelles annonces d’augmentations diverses de nos taxes et impôts, il a été comme chaque année annoncé celle du prix du timbre. Un porte-parole de l’entreprise a été sollicité afin de savoir pourquoi cette majoration était une fois encore bien supérieure à l’inflation : la réponse fut au combien stupéfiante, puisqu’elle a consisté à nous expliquer qu’il fallait bien préserver le niveau des recettes de l’entreprise et donc compenser la baisse du nombre de lettres par l’augmentation du prix du timbre, qui quoi qu’il en soit serait dès lors imperceptible et indolore pour les français, sachant justement que ces derniers envoyaient de moins en moins de lettres par an – ou comment renvoyer sur le dos des clients la responsabilité d’un déficit structurel. Ne s’agirait-il pas en fait de la mécanique inverse, monsieur le porte-parole ? Les français n’enverraient-ils pas moins de courriers du simple fait que le prix du timbre devienne indécent au regard de la qualité du service rendu ? Car oui, il est un fait que le temps requis pour l’acheminement d’une lettre est strictement proportionnel à la majoration du prix de cet acheminement : ainsi, plus la prestation s’avère chaque année onéreuse, et moins elle est de qualité ; et je ne parlerais pas du fait d’être par ailleurs fortement incité à devoir imprimer soi-même nos timbres, majorant encore plus leur cout : n’est-ce pas indécent ? Est-ce normal ? Est-ce viable ? Est-ce entendable ? Est-ce la bonne stratégie commerciale ?
Regardons la réalité en face : La Poste a perdu le monopole des colis et ses prestations sont de moins en moins utilisées au profit d’organismes français et étrangers plus rapides, beaucoup moins chers, offrant bien plus de commodités d’envoi et de réception, avec un niveau bien supérieur de qualité et de garantie que les colis ne soient pas ouverts, ni perdus ou abimés. A quand perdra-t-elle le monopole du courrier pour que nos lettres puissent nous parvenir dans des délais qui nous incitent à continuer à utiliser ce moyen parfois plus adapté que les mails, quant à eux inaccessibles à certaines franges de la population, dont les plus précaires et les plus âgés ? Quand l’état débranchera-t-il les perfusions qui la maintiennent en vie et participent par ailleurs à creuser chaque année un peu plus le déficit de la France ?
Aujourd’hui, après avoir cédé il y a maintenant longtemps la branche Téléphone de l’historique PTT (« Poste, Télégraphe et Téléphone »), ce qui nous permet de le payer moins cher pour plus de services, l’autre dernier versant du groupe La Poste en dehors du courrier et des colis est son réseau bancaire. La Banque Postale, « banque et citoyenne », et d’ailleurs si l’on en croit « bien plus qu’une banque » : deux slogans qui en soi ne veulent strictement rien dire, alors que l’intention affichée du groupe consiste à faire prévaloir les valeurs de confiance, d’accessibilité et de proximité. Une volonté de se démarquer, de paraître moderne, en phase avec son temps, mais une banque qui s’avère poussiéreuse dans ses modes opératoires, entretenant des contacts clients très archaïques et clairement dépassés là encore. En exemple, je vous citerai une situation vécue par une personne âgée de mon entourage, victime d’une fraude par téléphone pouvant mettre en péril ses comptes, et dont la conseillère financière – qui sait appeler cette personne pour solliciter des rendez-vous afin de lui vendre des produits inadaptés à sa situation de retraitée – a su lui rétorquer sèchement qu’elle ne gérait pas les problèmes et les litiges et qu’elle devait donc se débrouiller en appelant le numéro de la hotline du service clients !
Ainsi La Banque Postale est-elle une banque dont les clients sont au service de ses employés, une entreprise privée gérée comme une administration publique du 20ème siècle, totalement déconnectée du monde réel, inadaptée à la loi du marché, qui se vante d’être une sorte de TGV mais qui s’avère ne demeurer qu’une simple calèche.
Pourquoi tous ces propos acerbes, mais reposant pour autant sur de simples constats ? Tout simplement pour illustrer que nous avons plus que jamais besoin de liens humains renforcés. La mort du courrier papier est un drame pour nos ainés, pour les personnes n’ayant aucun accès à l’informatique et donc aux mails. Cette incapacité à s’adapter à notre environnement, si dur et certainement injuste, est ainsi dramatique, car elle amorce une réaction en chaine néfaste : des liens sociaux rompus, une détérioration voire une absence de qualité relationnelle du fait d’une capacité érodée à pouvoir ou vouloir dialoguer, des échanges anémiés et dès lors une entente sociale fragmentée, source inépuisable de conflits interpersonnels et sociétaux rudes et profonds.
De la même manière, si la médiation veut se développer pour un jour devenir une méthode employée en première intention dès qu’apparaissent les prémices précédemment décrites, elle doit et devra de la même manière apprendre à très vite s’adapter, s’assouplir, évoluer de manière pragmatique. A défaut, elle ne pourra émerger, se développer et s’imposer.